J'ai Lu, 1980
États-Unis, langue anglaise, traduction langue française.
Rydra Wong, ancienne membre du chiffre et poétesse
reconnue dans les mondes des cinq galaxies, se voit confier le déchiffrement
d’un code qui semble impossible à pénétrer : Babel 17. Elle se rend bien vite compte qu’il ne s’agit pas d’un code, mais d’une langue à part entière.
Elle, qui en maîtrise pas loin d’une dizaine – terrestres et extra-terrestres –
semble cependant avoir du fil à retordre face à cette nouvelle inconnue. Elle
s’embarque donc pour un voyage spatial qui, elle l’espère, l’aidera à découvrir
des indices lui permettant de trouver les clés de cette langue redoutable,
car utilisée par des envahisseurs avant chaque attaque vers la Terre et ses
planètes.
Il y a encore quelques mois de cela, je clamais haut
et fort à qui voulait bien l’entendre que je n’étais pas trop SF, même si j'ai tout de même dévoré le cycle des robots d'Isaac Asimov, l'œuvre presque intégrale de Ray Bradbury et ai sans doute lu quelques nouvelles du
genre de-ci de-là dans ma prime jeunesse. On peut même pousser le vice jusqu’à
inclure certains auteurs du début du siècle dernier, tel H.P. Lovecraft, dont
les premières traductions en français sont parues dans la célèbre collection
Présence du Futur de Denoël.
Mais mon amour pour la littérature dite fantastique,
celle de l’horreur et autres histoires de fantômes, est bien plus profond, car
né de la découverte d’Edgar Poe vers l’âge de dix ans et d'auteurs dont je ne dresserai pas la liste ici, de crainte qu’elle soit aussi
longue qu’inutile.
Quoi qu’il en soit, je découvrais au hasard d’une chronique d’un ami (A.C. de Haenne) ce challenge Morwenna, qui proposait une liste de classiques de la SF.
Ce challenge fut une sorte de déclic, un prétexte, une raison pour me plonger
dans ces œuvres et parfaire ainsi ma culture dans ce genre et diable, me
rendre compte à quel point c'est bien, la science-fiction !
Ainsi ai-je eu le plaisir indicible de lire
jusqu’ici « Demain les chiens » et « 2001, l’odyssée de l’espace ». Ils étaient
déjà sur mes étagères depuis de nombreuses années.
Pour ma troisième participation à ce challenge, je
voulais lire un auteur dont je ne connaissais rien, ni le nom, ni l’œuvre. Mon choix s’est tourné vers «Babel 17 », livre trouvé au détour des
rayons de mon bouquiniste préféré il y a quelques semaines.
Voilà donc qu’après cette entrée en matière
indigeste et plus longue que ne le permet la raison, je vous livre mon
sentiment sur cette œuvre.
L’univers de Samuel Delany est riche de descriptions
pointues et précises, tant au niveau des protagonistes que des lieux, paysages
et univers. C’est un véritable délice de trouvailles et un régal de lecture
que de se trouver immergé dans ce monde futur, même s’il est sombre et
déprimant. Les personnages sont tous dotés d'un caractère bien trempé,
parfaitement exploité, que ce soit individuellement ou lors d’interaction avec
les autres. Ceci pour dire que nous avons à faire là à un auteur qui maîtrise
avec intelligence le processus de narration, pour nous immerger totalement dans
son récit.
Il y a cependant parfois une sorte surenchère dans la description technique des actions ou des événements qui,
même si elle démontre une culture imposante de la part de l’auteur, et même si
elle doit certainement faire jubiler les plus matheux et les plus scientifiques
d’entre nous, m’a un peu lassé et blasé. J’ai pourtant essayé de mettre en
éveil tous mes neurones afin de me concentrer le plus possible, mais certains
passages sont vraiment difficiles à ingérer.
Il en est d’ailleurs ainsi de la complexité du
langage dont il est question dans ce livre, celui-là même qui lui donne son
titre. Car il ne faut pas oublier que, derrière le côté space opera de la
mission spatiale narré au fil des pages, il y a cette quête du langage, cette
mission de compréhension et de déchiffrement et surtout, surtout,
d’interprétation de ce qu’induit ce langage dans le comportement de ceux qui le
parlent (l’enseigne), et plus encore de ceux qui l’entendent (l’apprennent) !
Et c’est là que je tire mon chapeau, bave de
plaisir, et en redemande : de ce que j’ai compris (et la réserve est donc de
mise), nous avons là une œuvre d’anticipation qui nous met en garde contre
l’aliénation de l’individualisme face à certaines idées, mais qui
nous permet aussi de nous poser la question sur l’influence que peut avoir
un langage sur l’être humain quant à sa compréhension, son appréhension du
monde qui l’entoure. Le déclic survient quand le personnage appelé le Boucher
permet à Rydra de comprendre non pas le fonctionnement de Babel 17, mais son
pouvoir et son usage. De part l'annihilation de la personnalité, de la notion
du "je" mais aussi du "tu" qu'il provoque, elle réalise
qu'il s'agit bien plus d'une arme que d'une langue. Je n'ai pas pu m’empêcher de transposer l'idée de la perte
de ces notions sur les champs de batailles : en effet, "je" ne tire
pas sur "tu", "je" ne cherche même pas à veiller sur sa
propre survie. "Je" devient un élément indissociable d'un
"tout" appelé une armée, ce "tout" se battant machinalement
suite aux ordres donnés contre un autre "tout" appelé ennemi. Deux entités identiques qui luttent pour la même chose, sans
but personnel précis, et surtout exempt de toute notion de l'individu
Ce livre qui parfois m'a ennuyé - je dois l'avouer -
et pour la lecture duquel il m'a fallu beaucoup de temps, m'est devenu inévitablement un livre essentiel. L'air de rien, il m'a donné quelques clés
essentielles pour aborder sous un autre angle la possibilité d'un semblant de réponse à une
question que je me pose depuis de très nombreuses années : comment l'homme
peut-il à ce point perdre toute notion élémentaire d'humanité quand il se
trouve envoyé au front ? Comment survient cette abnégation lui permettant de
tirer sur son semblable sans aucune forme de réflexion, simplement parce qu'on
lui a dit que c'était un ennemi ?
En résulte, et ce sera ici ma conclusion, un livre
qui se lit avec attention, qui demande parfois une concentration accrue (donc à
éviter le soir après la tisane), et de ce fait remue la cervelle, ce qui fait du
bien !
Samuel Ray Delany est un auteur afro-américain né à
Harlem en 1942, nous apprend le net. Il est l’auteur de quelques classiques de
la SF, dont Babel 17, l’intersection Einstein ou encore Nova. Il est
aujourd’hui professeur d’université.
Babel 17, par Samuel Delany
J'ai lu
Traduction de Mimi Perrin
Titre original : Babel 17
Illustration couverture : Christopher Foss
J'ai lu
Traduction de Mimi Perrin
Titre original : Babel 17
Illustration couverture : Christopher Foss
4éme trimestre 1980. 284 pages
ISBN : 2277211273
Cette chronique fait partie du challenge Morwenna's List, instigué par la prophétie des ânes.
Le challenge est terminé maintenant, mais de nombreux titres de la liste s'étant greffé à ma PàL, ce n'est pas fini pour moi !
Le challenge est terminé maintenant, mais de nombreux titres de la liste s'étant greffé à ma PàL, ce n'est pas fini pour moi !