jeudi 13 mars 2014

L'oncle Silas, par Joseph Sheridan Le Fanu

Néo, 1988

Irlande, traduction en langue française.

 


Jeune fille de 17 ans, Mathilde n'est jamais sortie de sa demeure bourgeoise où son père la retient depuis la mort de sa mère. Elle n'est pas prisonnière. Elle est juste préservée du monde extérieur, et instruite par une étrange femme, la Française « Madame ». Parfois, quelques visiteurs franchissent la porte d'entrée, surtout depuis que son père est devenu swedenborgien. Cependant, Mathilde devient spectatrice du déclin de son père, jusqu'au jour où celui s'effondre pour ne plus se relever.
Elle est alors confiée par voie testamentaire à celui qu'elle admire par portrait interposé, le mystérieux oncle Silas. Ce dernier souffre d'une réputation plutôt mauvaise de joueur cupide, malchanceux et endetté, mais surtout de meurtrier. En effet, il aurait été accusé de s'être débarrassé de l'un de ses créanciers dans sa propre demeure. Quoi qu'il en soit, Mathilde, nouvellement riche héritière, arrive chez son tuteur, pour y trouver un endroit de grande liberté... qui cache une toute autre et terrible prison. D'autant qu'elle commence à s'y éveiller à l'apprentissage de la lâcheté humaine, prendre conscience de la malignité que peut revêtir un sourire, ou l’intérêt que dissimule chacune des bonnes intentions portées à son égard. Elle doit de plus faire face à de jeunes courtisans, tout en se méfiant de tous ceux qui l'entourent. Et découvrir les terribles complots qui s'ourdissent autour d'elle...
Oui ou non, ce fameux oncle Silas est-il le maître qui tire les ficelles de ces manigances, ou bien n'agit-il sincèrement et pieusement que pour le bien-être de sa nièce ? Et ses prétendants, lui font-ils les yeux doux pour sa gracieuse jeunesse, ou gardent-ils un œil sur sa fortune ? Et ce docteur, ancien ami et confident de son père, vient-il rendre visite à son oncle pour la défendre et la préserver, ou pour pactiser avec son tuteur ? Ces voisins, cousins, tous ces gens qui gravitent autour d'elle: amis ou ennemis ? Elle, si jeune, qui n'a jamais quitté sa maison paternelle que pour rejoindre celle de son oncle, elle si inexpérimentée aux choses de la vie, n’affabule-t-elle tout simplement pas ? Lui veut-on vraiment du mal ? Quant à ce fantôme, qu'elle croit pouvoir apercevoir au détour des pièces sombres et innocupées de la grande demeure de l'oncle Silas, n'est-il pas finalement qu'une légende ?

« L'oncle Silas », de l'Irlandais Joseph Sheridan Le Fanu: voilà un livre qui semblait devoir se trouver à jamais au sommet d'une des montagnes d'ouvrages qui s'élèvent au côté de mon lit. De ces sommets qui forment ces fameuses « montagnes hallucinantes », à des hauteurs si élevées qu'on semble pouvoir y distinguer, avec de bonnes jumelles, des neiges éternelles. Ce roman de Le Fanu, donc, semblait ne jamais devoir descendre de ce sommet perpétuellement glacé, tant l’accès y semblait impossible. Pourtant...
Pourtant, oui, une expédition récente me l'a fait redécouvrir. Plusieurs jours m'ont été nécessaires pour venir à bout de cette œuvre, non par manque d’intérêt — loin de là —, mais plus par ce désir de gourmet de savourer le plus longtemps possible le met qui m'était proposé.
Un roman formidable, donc, que beaucoup considèrent comme le meilleur de son auteur. Je ne saurais me prononcer quant à ce dernier avis, n'ayant que très peu lu de son œuvre. Ce que je peux dire, cependant, c'est que l'histoire, contée à la première personne par Mathilde, l’héroïne, nous captive tout d'abord par sa fraîcheur, puis par son mystère, et enfin par la terrible descente aux enfers qu'elle subit. Parler de suspens, classer ce roman comme un Thriller (dont il pourrait-être le précurseur) est fort à propos : le complot qui se trame autour d'elle, ou plutôt de sa fortune est des plus subtils. Mais parler de roman fantastique, à l'inverse, se discute. S'il faut s'en référer au principe scolaire, ce roman ne l'est pas. Mais s'il m'est permis de me cantonner à ma propre vision des choses (et je ne vais pas me priver !), dans ce cas, c'est bien de fantastique dont il est question ici. Certes, les fantômes ne sont pas de ceux que l'ont croise habituellement. Les revenants ne le sont que par le souvenir, ou par cette oppressante volonté qu'ont certains des protagonistes à croire en eux. Mais il y a cette écriture, magnifique et forte, cette ambiance, ce vocabulaire, cette syntaxe qui sont foncièrement les matériaux dont on fait les histoires fantastiques. Certaines séquences parviennent même à faire frissonner, signes de la maitrise absolue de la narration par l'auteur (et de sa traductrice), maitrise qu'il n'est plus nécessaire de démontrer concernant le Fanu. Il me paraît juste donc, tout comme nous invite à le penser la quatrième de couverture, de considérer « L'oncle Silas » comme un roman gothique tardif...
Il s'agit donc pour moi de la (re) découverte d'un auteur essentiel, que je vous invite à lire, s'il ne fait pas déjà partie du panthéon de vos auteurs favoris.
Il est à noter qu'en cette belle année 2014 seront célébrés le 200e anniversaire de la naissance de Joseph Sheridan Le Fanu, ainsi que le 150e anniversaire de la publication de... L'oncle Silas ! Certaines festivités sont programmées toute l'année à Dublin (Irlande). Pour en savoir plus, rendez-vous sur le fameux réseau social, à la page Le Fanu at 200.

L'oncle Silas: histoire écrite en 1864, traduction française attribuée à Marie-Thérèse Blanc (sous son pseudonyme Th. Bentzon) pour une première édition chez Calmann-Lévy en 1877, puis 1883. Cette traduction est celle qui sert de référence à la présente édition, « rajeunie et abondamment corrigée », selon l'éditeur dans sa courte introduction. Il est bon de noter qu'une traduction en a été proposée par Jacques Finné pour son volume paru en 1997 chez l'éditeur José Corti, qu'il sera beaucoup plus aisé de dénicher que ces légendaires livres de chez Néo...

L'oncle Silas, par Joseph Sheridan Le Fanu.
Traduction attribuée à Marie-Thérèse Blanc (sous le pseudonyme TH. Bentzon)
Collection Néo Plus N° 19
Juillet 1988. 248 pages.
ISBN: 9782730405058

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