mercredi 5 février 2014

The Hole, par William Meikle

Darkfuse, 2013

Etats-Unis, langue anglaise


Tout commence par une rumeur. Un bourdonnement qui dérange, puis qui provoque des terribles maux de têtes et des saignements de nez importants.
Fred, qui se réveille d’une de ces cuites aussi mémorables que fréquentes, pense d’abord au début de graves problèmes physiques que son addiction à la bouteille lui promet depuis de longs mois. Mais quand il se rend dans le centre de son patelin, situé dans le quelque part fort reculé d’un état américain, il réalise. Le bourdonnement intense qu’il a entendu cette nuit a affecté plus de la moitié des habitants, provoquant chez eux les mêmes symptômes. La pauvre infirmière d’habitude si tranquille le constate aussi : jamais elle n’aurait pensé avoir autant de patients dans son cabinet.
Mais pour l’heure, Fred, qui doit s’envoyer une bière pour se mettre en train, croise Charlie, son vieux compagnon de beuverie, qui lui propose un job ingrat mais bien payé : aller redresser la cuve de décantation qu’un affaissement de terrain a renversé chez un grand propriétaire terrien du coin. A peine le labeur commencé, le bourdonnement reprend, et la fissure dans le sol devient crevasse profonde. Charlie, que la chute de la cuve a blessé à la tête, et qui est à deux doigts de se noyer dans ses eaux saumâtres, est sauvé in extremis par Fred. Quant à la crevasse, elle s’agrandit à vue d’œil...
De retour au troquet, où le Jack D. remplace vite la bière pour noyer les événements dans une saoulerie salvatrice, le vieux Charlie, dont le front arbore désormais quelques fiers points de sutures, se laisse aller aux souvenirs… Il dévoile ainsi à son comparse l’étrange histoire qu’il a vécue il y a de ça pas mal de temps : sous les terres qu’ils viennent de fouler, et dont l’effondrement a failli lui coûter la vie, il y a d’anciennes mines. Un dédale de boyaux obscurs, dans lequel trois des cinq gars avec lesquels il y travaillait ont mystérieusement disparu du jour au lendemain…
Pendant ce temps, le shérif du secteur, déjà bien occupé à essayer de régler les multiples petits manquements aux règles de ses concitoyens, est appelé à un endroit de la fissure que l’eau a rempli : trois corps y ont été repêchés. Mais même si leur état de décomposition est déjà fort avan, certains éléments sont troublants : ces corps bien qu’anthropoïdes semblent ne pas être humains.
Car ce que semble faire ressurgir cette faille, de plus en plus grande et profonde, ce sont plus que les souvenirs d’un vieil ivrogne. Bientôt, la terreur et l’horreur s’abattent sur la bourgade, pour vite laisser place à ce qui semble une fatalité irrationnelle, incontrôlable, un trou de néant diabolique dans la vie des survivants…

Ce roman, « the Hole » a un goût prononcé de série B, mais tourné avec un budget hollywoodien par un réalisateur surdoué. Certes, les personnages principaux sont les archétypes des héros américains : Il y a les alcoolos souvent beurrés, mais toujours là pour aider et révéler leur grandur, le shérif bedonnant mais courageux, l’infirmière prête à risquer sa peau pour celle d’autrui, la jeune fille blonde que l’on sauve et qui tombe amoureuse, la vieille irritante toujours à critiquer les actions et décisions des autres… Mais la force de William Meikle, c’est d’offrir à chacun de ces personnages une vraie identité. Pour certain, c’est un lourd passé qui refait surface, ou qui n’a jamais vraiment disparu, et qu’il faut affronter à nouveau. Pour d’autres, c’est la découverte du moi intérieur, que le peu de considération avait enfoui profondément. Ou ces échanges, encore, entre les protagonistes, qui enrichit la narration par des détails qui sont loin d’être anecdotiques.
Mais l’histoire n’est malheureusement pas exempte de quelques points qui me chagrinent. Il y a cette relation amoureuse soudaine entre deux des protagonistes qui m’a d’abord décroché un sourire, mais qui m’a par la suite dérangé, car elle est vraiment inutile à mon goût, voire hors de propos (ah, comment vous le dire sans trop en dire… lisez donc ce livre, je pense que vous comprendrez). Il y a aussi cette improbable et soudaine capacité d’un des personnages à lire d’anciennes incantations découvertes dans le journal trouvé par hasard dans le refuge souterrain du propriétaire des mines, et à les psalmodier suffisamment bien pour qu’elles soient efficaces. Et puis il y a ce relatif happy end, relatif car seulement certains héros disparaissent juste à la fin - ce qui me plait dans l’absolu, même si tous auraient dû y passer (hin, hin, hin…) - et je n’aurais personnellement pas tué ceux-là (mais plutôt le couple improbable)...
Cependant, si cette histoire est certes pleine de ces stéréotypes propres aux genres catastrophe, survival, invasion, fin du monde et autres, elle est aussi bourrée de passages mémorables, de bonnes trouvailles et de situations désespérées vraiment angoissantes. Tout ceci mené crescendo, pour aboutir à cette terreur jubilatoire de la découverte de l’origine de cette catastrophe. Amis lovecraftiens, vous y trouverez votre compte !

Avec « The Hole », William Meikle ajoute à sa bibliographie un excellent roman. Je suis loin d’avoir écumé toute sa production – je n’ai découvert cet auteur qu’il y a un an environ – tant son œuvre est dense, d’autant plus qu’il reste très prolifique. Mais j’en ai toujours apprécié la lecture, que ce soit celle de ses nouvelles ou de ses romans. William Meikle a la force des plus grands : il sait comment tenir en haleine ses lecteurs. Il connaît et maîtrise parfaitement les outils narratifs, pour mener jusqu’au bout les excellentes idées qui semblent bouillonner dans sa tête, et qui explosent à chacune des pages qu’il écrit. Et je suis bien tenté de dire que, s’il a la force des plus grands, c’est qu’il a l’envergure de ces derniers, et même si sa notoriété va croissant, il mériterait plus de succès encore qu’il n’en a actuellement. Traduit en Japonais, Portugais, Roumain, Italien, Russe, Grec, même Hébreux… seule la France (encore et toujours) semble ignorer son talent.

William Meikle est un écrivain d'origine écossaise, qui vit désormais à Terre-Neuve. Il fait revivre avec brio des personnages légendaires tels que Carnacki (inventé par William Hope Hodgson), le professeur Challenger, voire Sherlock Holmes lui-même (créés par Arthur Conan Doyle). Quand ce n'est pas son propre détective de l'étrange, Derek Adams, qui mène lui-même l'enquête dans la série "The Midnight Eye" ! Et il y a de plus toutes ces nouvelles, recueillies en divers volumes en format digital, et les romans dont "the Hole" fait partie. Quand William n'écrit pas, il joue de la guitare en sirotant des bières ou du single malt (boisson omniprésente dans son œuvre)... ce qui me fait conclure par cette question : qu'attendent les distilleries de son pays natal pour le sponsoriser ?

Histoire lue au format digital. Une version papier (limitée) existe, mais la place sur mes étagères et mes finances (limitées, elles aussi), me prive du plaisir de le posséder.

En guise de conclusion, j’étais tenté d’écrire que « The Hole » était l’œuvre de cet auteur que je préférais. Mais j’ai depuis dévoré un autre de ses livres « The Broken Sigil »… à suivre…

William Meikle, site officiel
Editeur: Darkfuse
The Hole, format papier,  ou eBook

The Hole, par William Meikle.
Darkfuse.
Juillet 2013.  266 pages.
ISBN: 978-1937771973

3 commentaires:

  1. Tout ce que tu dis là me donne très envie de découvrir cet auteur (détective de l'étrange, Lovecraft, toussa, toussa...), même si j'attendrais une hypothétique édition en VF. Croisons les doigts.

    A.C.

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    1. Merci, Antoine, mais l'hypothétique édition française, il faudrait que nous bossions dessus pour l'avoir. Après, ce monde reste plein de surprise...

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    2. Ben oui...

      Sinon, ce que tu en disais ainsi que la couverture me faisaient penser un peu à du King.

      A.C.

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