Spectral Press, 2015
Angleterre, langue anglaise.
“Leytonstone” par Stephen Volk. © Stephen Volk/Spectral Press 2014. Artwork © Ben Baldwin 2014
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Fred est un petit garçon ordinaire, plutôt
doué à l’école, un peu gourmand, qui vit dans la banlieue nord-est de Londres, dans le quartier de Leytonstone.
Il connaît le nom des variétés de pomme de
terre par cœur, et ne rechigne pas à aider ses parents maraîchers dans leur
boutique. Son père est un homme droit, et juste. Un soir, ce dernier va prendre
une étrange décision. Il emmène son fils au poste de police afin qu’il y passe
la nuit dans une cellule crasseuse pour lui inculquer ce qui lui paraît être le
sens de la justice.
L’enfant, prostré sous une couverture puant
l’urine, dans une pièce froide et minuscule, va passer des heures sombres sans
sommeil à se demander quel crime il a bien pu commettre pour se retrouver dans
cet endroit.
Cette nuit, loin de renforcer sa foi en la
justice, ni sa foi en ses parents, va totalement déstabiliser le jeune garçon,
qui posera désormais un regard différent sur ceux qui l’entourent. Cet
événement s’avérera le point de départ de grands changements, pour lui comme
pour ses parents.
Il portera aussi désormais un autre regard
sur lui-même, chacune de ses actions devenant calculée, préméditée. Le petit
Fred, lentement, va se transformer en grand Alfred… Mais ceci est une autre
histoire, celle d’un maître du septième art !
Au vu du nombre de chroniques que je
publie, d'aucun pourrait croire que je lis très peu. Je profite de l’espace qui
m’est offert ici (je suis gentil avec moi !), pour me justifier. Il y a
des livres que je ne finis pas, car ils sont barbants, mal écrits,
soporifiques. Ils sont rares, mais ils sont. D'autres, captivants, me donnent envie d'écrire une chronique, mais je ne trouve finalement que très peu de choses
à dire à leur propos une fois que je me trouve devant mon ordinateur. Puis il y a ceux, à l'inverse, qui ne m'inspirent rien du tout, ni passion, ni envie de
partage. Et il y a enfin ceux que vous pouvez découvrir ici.
Les ouvrages édités par Spectral Press font invariablement partie de cette dernière catégorie !
Les ouvrages édités par Spectral Press font invariablement partie de cette dernière catégorie !
Quand, il y a quelques années, je découvrais
cette petite maison d'édition, je fus en
premier lieu attiré par le logo... Cela peut paraître idiot (d'autant
qu'il ne figure pas sur la couverture du présent ouvrage), mais j'étais à
l'époque aux prémices de ma propre envie de monter une micro maison d'édition,
et le travail qu'effectuait déjà Simon Marshall-Jones était la projection
exacte de la qualité dont je rêvais. Il n'avait à l'époque édité que deux ou trois
chapbooks, petits livres de quelques pages ne comprenant qu'une seule
nouvelle. Mais tout y était déjà : la qualité des histoires, celle du papier,
ce principe du tirage limité à cent exemplaires signés par les auteurs,
qui apporte à leurs heureux possesseurs
l'idée de détenir un objet rare et
précieux… et un excellent logo !
Depuis, Simon a confirmé ce qu'il ne
laissait qu'entrevoir à l'époque : un homme de goût qui sait parfaitement
mener sa barque, et nous entraîne à chaque publication dans les univers très
personnels des auteurs qu'il choisit de publier, dans un format toujours de
qualité... J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion, alors que le nombre de
publications de ce blog est faible, de vous parler à deux reprises de ses
livres : pour Still
life, de Tim Lebbon, mais aussi et surtout pour Whitstable
de Stephen Volk. Stephen Volk, oui, cet auteur responsable du livre dont je ne
vais pas tarder à vous parler plus amplement, et qui fait que je martyrise mon
clavier sous une frappe continue aujourd'hui... Cet auteur dont la lecture de
l’œuvre, il y a un peu plus d'un an, m'a donné envie de créer ce blog, afin de
partager avec vous mes coups de cœur ! Ni plus, ni moins !
Après nous avoir conté l'histoire d'un
Peter Cushing vieillissant, meurtri par la solitude suivant la mort de
son épouse, Stephen Volk nous invite cette fois-ci à rencontrer un tout jeune
Alfred Hitchcock faisant face de façon brutale aux affres de la fin de
l'innocence de l'enfance.
Cette histoire, comme on l'a vu, débute donc par cette anecdote devenue légendaire dans la vie d'Hitchcock lorsque le père l'amena passer une nuit au poste, afin qu'il comprenne les conséquences qu'un acte criminel peut engendrer... Nuit terrible qui, sous la plume de l’auteur, devient le terreau d'un véritable traumatisme, une obnubilation de chaque instant, qui accompagnera l'enfant, puis l'adulte, tout au long de sa vie.
Cette histoire, comme on l'a vu, débute donc par cette anecdote devenue légendaire dans la vie d'Hitchcock lorsque le père l'amena passer une nuit au poste, afin qu'il comprenne les conséquences qu'un acte criminel peut engendrer... Nuit terrible qui, sous la plume de l’auteur, devient le terreau d'un véritable traumatisme, une obnubilation de chaque instant, qui accompagnera l'enfant, puis l'adulte, tout au long de sa vie.
De cet événement qui semble anecdotique,
voire amusant quand il est conté de la bouche même du grand Alfred Hitchcock, l'auteur en fait le déclencheur de ce que son personnage va petit à petit
découvrir de sa propre personnalité. Il s'agit bien d'un traumatisme, une porte
ouverte avec fracas sur le monde, un passage imposé à l'enfant qui le mènera
vers l'homme qu'il va devenir, pour le conduire au statut de maître incontesté
du suspens qu'il sera et restera à jamais.
Outre les nombreux clins d'yeux à son
œuvre cinématographique que l'on y découvre, il y a ce sentiment fort, et cette
thématique quasi omniprésente, du faux coupable condamné injustement, qui ne
comprend pas comment sa vie a basculé si soudainement dans le cauchemar, et qui
parsèmera la quasi-totalité de l’œuvre hitchcockienne. Cet enfant, qui
travaille bien à l'école et aide ses parents dans leur boutique, pourquoi se
retrouve-t-il soudain en prison, amené par son propre père ? Il sait qu'il n'a
commis aucun crime. Mais est-il vraiment innocent ? On ne se retrouve pas gratuitement
dans une cellule sordide, à pleurer et appeler sa mère toute une nuit. Il a
fait quelque chose de grave. Il en est persuadé. Mais il ne saura jamais quoi !
Et ce sentiment de culpabilité, doublé de la certitude d'être condamné
injustement, va désormais le poursuivre, et ce durant toute sa vie...
L'innocent écolier va alors chercher.
Chercher à comprendre la peur, mais aussi le plaisir que peut ressentir un
criminel. Chercher à trouver les motivations inspirées par le mal, pour pousser
ainsi un être humain à commettre un crime. Et ses propres expériences,
désormais, qu'elles soient celles de jeux interdits avec ses camarades, ou ses
découvertes personnelles, vont forger
son caractère en pleine mutation. Il deviendra tortionnaire, menteur,
irrespectueux envers ceux qui l'entourent, tout spécialement les filles. La fille, qui deviendra son cobaye, sa
victime.
C'est précisément ce dernier point qui m'a
interloqué, même si d'autres passages m'ont plus profondément dérangé.
Il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici
d’une œuvre de fiction. Certes, Stephen Volk use d'une personne connue et
reconnue pour écrire son histoire. Et il aurait pu se perdre dans des idées
saugrenues, ou se fourvoyer en voulant trop en faire. Mais c’est avec justesse
qu’il distille les traits de caractère du géant que l’on connaît, dans la peau
de ce petit garçon solitaire, intelligent, observateur, cynique au point d’en
être presque misanthrope. L’exemple le plus flagrant, et le plus exploité,
vient donc de ce peu de respect envers les femmes que témoignait, paraît-il,
Alfred Hitchcock. Il est de notoriété publique qu’il avait des mots très durs
pour ses acteurs, mais surtout envers ses actrices. S'il a eu le propos
malheureux de qualifier ses comédiens de "bétail", et si plusieurs
anecdotes de tournage ont été rapportées dans la presse par certaines de ses
interprètes, il est bon de dire que celui qui entretenait le plus cette
image était Alfred Hitchcock luimême. Par besoin sans doute d'entretenir la légende le concernant.
Je trouve donc intéressant de voir ce qu'en a fait l'auteur du présent ouvrage. Car certains passages dérangent. Certaines actions du jeune Fred, comme il est appelé dans le récit, semblent incompatibles avec ce que l’on sait du personnage dont il est sensé nous raconter l'histoire. Pourtant, et il m'a fallu une poignée de jours de maturation pour le comprendre, ces événements alimentent à leur façon la légende Hitchcockienne. Je ne peux cacher, cependant, qu'il y a une séquence particulière de ce livre qui m'a fortement dérangé. Elle implique la mère du jeune garçon, qui se retrouve dans une situation terrible par sa faute, et je ne comprends toujours pas pourquoi cela se produit. Peut-être est-ce un outil pour tenter de noircir encore plus la fin de l'histoire... Si certains d'entre vous lisent ce livre (et j'espère que ce sera le cas), j'aimerais sincèrement avoir votre sentiment sur la question...
Je trouve donc intéressant de voir ce qu'en a fait l'auteur du présent ouvrage. Car certains passages dérangent. Certaines actions du jeune Fred, comme il est appelé dans le récit, semblent incompatibles avec ce que l’on sait du personnage dont il est sensé nous raconter l'histoire. Pourtant, et il m'a fallu une poignée de jours de maturation pour le comprendre, ces événements alimentent à leur façon la légende Hitchcockienne. Je ne peux cacher, cependant, qu'il y a une séquence particulière de ce livre qui m'a fortement dérangé. Elle implique la mère du jeune garçon, qui se retrouve dans une situation terrible par sa faute, et je ne comprends toujours pas pourquoi cela se produit. Peut-être est-ce un outil pour tenter de noircir encore plus la fin de l'histoire... Si certains d'entre vous lisent ce livre (et j'espère que ce sera le cas), j'aimerais sincèrement avoir votre sentiment sur la question...
Il reste que Leytonstone est un excellent
livre, et qu'il est vraiment difficile de le lâcher pour servir les obligations
quotidiennes. Stephen Volk est doué d'une écriture vraiment personnelle,
parfois poétique, parfois dure et cruelle, mais toujours servie avec justesse de
ton et sensibilité, qui nous permet de plonger dans cette histoire qui, je le
confesse, ne laisse vraiment pas indifférent !
Il me tarde donc de le retrouver pour le
troisième et dernier ouvrage qu'il consacrera à un nouveau maître du septième
art, trilogie amorcée avec Whistable, et continuée avec maestria dans
Leytonstone que je vous invite à lire dès sa sortie !
Les plus perspicaces d’entre vous l'auront
remarqué : la date prévisionnelle de sortie pour ce livre est bien mars 2015 !
Cela semble un privilège, et que Simon en
soit grandement remercié à nouveau : la
rédaction de la présente chronique n’a été possible que grâce à l'envoi du
texte en preview, ce qui explique pourquoi certains renseignements restant
encore inconnus au moment où j’écris ces mots n'ont pu être indiqués plus
bas...
En attendant, vous pouvez toujours réserver votre exemplaire
ici,
et si ce n'est déjà fait, acquérir Whistable ou tout autre livre de cet
excellent éditeur là
!
Leytonstone, par Stephen
Volk.
Spectral Press,
collection "Visions" .
Mars 2015. Nombre de pages inconnu
Illustration de couverture: Ben Baldwin.
ISBN: (édition brochée - Collector - Ebook) inconnu.
Spectral Press: http://spectralpress.wordpress.com/spectral-shop/