Denoël, Lunes d'encre, 1999
Langue anglaise, traduction langue française.
- Introduction de Barbara Sadoul :
L'anthologiste y fait un exposé sous forme d'historique du loup-garou, dans l'histoire de
l'humanité tout comme au cinéma et, cela va de soi, en littérature. Agréable à
lire, bien que succinct.
- Opération éfrit, par Poul Anderson
Un loup-garou et une sorcière partent en mission
commando d'infiltration dans le camp ennemi pour essayer de neutraliser l'arme
absolue qu'il est sur le point d'utiliser et qui le mènerait inéluctablement
vers la victoire : un ancestral et terriblement puissant éfrit !
Sur le coup, j'avoue, j'ai eu un peu de mal avec le début de cette histoire.
Propulsé d'entrée de jeu dans cet univers absolument débordant d'idées - où bon
nombre des créatures du bestiaire fantastique apparaissent à contre-emploi - tout
ça balancé à la face du lecteur sur trois/quatre pages, c'était un poil
trop pour mon pauvre petit cerveau. Et puis finalement je me suis vite laissé
embarquer dans l'histoire, m'amusant même lors de combats épiques entre
lycanthropes, narrés avec une bonne dose d'hémoglobine et de chair arrachée !
Un loup garou apte à maîtriser son pouvoir et un univers décalé (peut-être un
peu trop, finalement) : cela donne une bonne mise en bouche pour cet apéro
dînatoire qui nourrit déjà bien le lecteur venant d'entamer le festin de ce recueil. Même si certain amuse-gueules laissent un goût d'étrangeté un
peu amer...
- L'horreur immortelle, par Manly Wade Wellman
Un homme, malgré les avertissements d'un vieux
barbu, se retrouve de nuit dans une vieille cabane au fond des bois. Sous le
plancher de celle-ci, il trouve un tas de feuilles manuscrites et de coupures de
presse qui lui révèlent l'histoire terrifiante d'un sergent de
l'US army, criminel et non moins loup-garou...
C'est court, c'est efficace. Un peu classique, mais l’auteur réussit si
bien à planter en quelques pages une telle atmosphère que subsiste à la fin
l'empreinte du souvenir d'une chouette histoire.
Weird Tales - Mai 1936 Première parution de "The Horror Undying" |
- Coupable, par Stephen Laws.
Stuart, de retour d'une soirée plus que bien
arrosée, se retrouve au fin fond de la cambrousse, par erreur, au milieu de nulle
part. Un nulle part hanté par une bête qui le prend très vite en chasse !
Heureusement, la ferme Crowfast n'est pas loin...
Une ambiance terrible, une situation angoissante, une course poursuite
trépidante et stressante, une malédiction familiale flippante pour une histoire
ponctuée de petites touches d'humour qui valident l'excellence de cette nouvelle
et qui, au final, fait d’elle une de mes préférées de ce recueil qui compte
pourtant quelques joyaux…
Fear! #2 - Septembre / octobre 1988 Première parution de "Guilty Party" |
- Le loup de Saint-Bonnot, par Seabury Quinn
Jules de Grandin et son ami Trowbridge sont invités par une amie à pendre la crémaillère dans une maison de
campagne. Si tout se déroule parfaitement le vendredi et le samedi, il en est
tout autrement le dimanche. La coupure d’électricité provoquée par une terrible
tempête empêche toute activité, et la lassitude mène alors à l’incontournable
séance de spiritisme. Inévitablement, un esprit mauvais est réveillé, et nos
héros devront alors mener l’enquête pour élucider ce mystère et
sauver leur peau.
J’attendais beaucoup de cette histoire, comme la couverture de Weird
Tales qui l’illustre fait partie de celles qui ont titillé ma curiosité à
l’époque où j’ai commencé à m’intéresser aux pulps américains. Je ne
m’attendais à vrai dire pas à autant d’humour, ne connaissant pas du tout
l’univers de Jules de Grandin (lacune grossière réparée et sujet que j’espère
pouvoir approfondir avant longtemps). De l’humour qui n’empêche pas une enquête
rondement menée et des séquences au suspens soutenu.
Weird Tales - December 1930 Couverture pour "The Wolf of St Bonnot" |
- La Proie, par Roberta Lannes
La famille Wiggens
vit au bout de
la route du comté de Bradford dans une vieille maison. Quand Randall
Buss s’y arrête un jour pour proposer ses services de bricoleur, tous y
voient l'aubaine
d'une proie providentielle. Tous, sauf Chelsea en qui Buss réveille
d'autres
pulsions animales, bien loin de l'appétit que provoque la présence d'un
humain.
Et bientôt, ce n'est plus ni la faim ni même la libido qui
agissent,
mais son cœur de louve.
Autant le sujet des remords sentimentaux a très souvent été abordé -
parfois jusqu'à l’écœurement - chez les cousins vampires, autant il ne l’a été que
peu de fois pour les loups-garous. À ma connaissance. Et ici, l’auteur nous
propose un bel exemple de ces tourments que l’amour peut provoquer lorsqu’il
s’immisce entre le prédateur et sa proie. Mais pas de méprise, c'est loin
d’être badigeonné à l’eau de rose ! C’est fort, bien décrit et féroce,
ce n'est pas du Twilight, hein !
The Mammoth Book of Werewolves, édité par Stephen Jones Robinson Première parution de "Essence of the Beast |
- Norne, par Lireve Monet
Depuis toute petite, Mary-Rose voue une admiration teintée de fascination sans bornes à sa tante Norne. Elle la voit souvent, jusqu'au jour où sa tante part vers la côte ouest, en compagnie d'un homme lui ressemblant étrangement, nommé M. Wolf. Les aléas de la vie, qui d’abord les ont séparées, les rassemblent pourtant et ce d’une étrange manière. Alors que Mary-Rose, devenue adulte, a réussi à se défaire de cette emprise qui lui apparaissait finalement malsaine, réalise que sa fille subit le même joug psychologique, mais bien au-delà de ce qu’elle-même a pu vivre !
Une nouvelle qui, à mon goût, traîne un peu en longueur et aurait peut-être mérité un peu de concision. Mais là où je vois de la longueur se trouve peut-être la mise en place d’un suspens qui m’aurait alors totalement échappé. Il n'en reste que cette histoire, malgré l’évidence du rôle que chacun tient et le manque de surprise qui en découle, a réussi à me tenir jusqu’au bout.
Depuis toute petite, Mary-Rose voue une admiration teintée de fascination sans bornes à sa tante Norne. Elle la voit souvent, jusqu'au jour où sa tante part vers la côte ouest, en compagnie d'un homme lui ressemblant étrangement, nommé M. Wolf. Les aléas de la vie, qui d’abord les ont séparées, les rassemblent pourtant et ce d’une étrange manière. Alors que Mary-Rose, devenue adulte, a réussi à se défaire de cette emprise qui lui apparaissait finalement malsaine, réalise que sa fille subit le même joug psychologique, mais bien au-delà de ce qu’elle-même a pu vivre !
Une nouvelle qui, à mon goût, traîne un peu en longueur et aurait peut-être mérité un peu de concision. Mais là où je vois de la longueur se trouve peut-être la mise en place d’un suspens qui m’aurait alors totalement échappé. Il n'en reste que cette histoire, malgré l’évidence du rôle que chacun tient et le manque de surprise qui en découle, a réussi à me tenir jusqu’au bout.
Weird Tales - Février 1936 Première parution de "Norn" |
- La marque de la bête, par Kim Antieau
Malgré les avertissements du
châtelain, Jean-Jacques Rieux s’est laissé entraîner par sa partie de chasse
jusqu'à la fin du jour, et le voilà dans les bois à l'heure où les bêtes
sauvages s’éveillent. Inévitablement il entend les hurlements d'un loup. Perdu,
loin de tout, se sentant déjà condamné, il est secouru par un inconnu qui le
guide dans la forêt. À sa grande surprise, il se retrouve rapidement aux portes
du château dans lequel il séjourne, tandis que son sauveur, déjà, a disparu
dans l’ombre du sous-bois. À l’heure du souper, il fait la rencontre de la
jeune épouse de son hôte, Marie, qui lui semble bientôt être la victime d’un
mariage malheureux.
Une belle histoire qui, même si elle est ponctuée d’éléments classiques
qui laissent un sentiment de déjà vu, propose un beau retournement de situation
final. Court, agréable à lire, efficace.
The Ultimate Werewolf - édité par Byron Preiss, David Keller, Megan Miller et John Betancourt, 1991 Première parution de "The Mark of the Beast" |
C'est ce soir qu'Elof Bocak s'en va demander la main
de Kate O'Mecca. Et ce soir, sur les collines du Minnesota, cette quête peut
s'avérer dangereuse. À cause des chauves-souris. À causes des loups-garous.
Mais surtout à cause du whiskey dont s’est imbibé Elof Bocak.
Nous sommes ici plongés dans les tréfonds du cerveau de ce
grand et fort paysan Finnois, comme nous vivons l’histoire à travers ses yeux,
ces derniers étant plus souvent que de raison brouillés par l’alcool de maïs
distillé localement. Cela confère à l'histoire un ton plutôt amusant, les
passages où le héros est sous l’emprise de l’alcool étant magnifiquement
rédigés, décrivant bien la déformation que l’ivresse provoque sur la perception du
monde alentour.
J’ai cependant trouvé la toute fin un peu décevante. Elle aurait
peut-être mérité une dose bien supérieure d’hémoglobine, mais se termine sur
l’évident et galvaudé jeu de mot qu’annonce (déjà !) le titre.
Weird Tales - Avril 1935 Première parution de "The hand of the O'Mecca" |
- Le changement, par Ramsey Campbell
Don travaille pour les impôts. Il n'aime pas son boulot mais il en a besoin pour mettre de côté, dans le but d'acheter une maison avec son épouse. Ce qui le sauve, c'est l'écriture. Mais là où il habite, son bureau se trouve devant une grande fenêtre qui donne sur la rue, à l'emplacement même d'un arrêt d'autobus. Et ce n'est pas toujours facile pour Don de se concentrer...
Je me suis régalé avec cette histoire, rien que pour le descriptif détaillé du mal-être de l'écrivain perturbé par le moindre petit travers dans son environnement. Des gamins qui font la grimace, un couple qui se dispute, ou plus simplement son épouse qui, par besoin naturel de communiquer, lui parle, alors qu'il était sur le point de trouver la phrase parfaite, le sortant de sa bulle et annihilant ainsi toute inspiration. Plus l'histoire avance, plus le héros sombre dans cette psychose de la concentration, redoutant jusqu'au silence, lourd du rien qu'il apporte... Une histoire plus que chaudement recommandée par votre serviteur. (Oui, oui, il y a bien un loup-garou dedans ! Mais je ne peux en parler sans trop en dévoiler...).
Weird Tales - Eté 1991 Première parution de "The Change" |
Jem, ancien trappeur comme son père, indien Cayuse par sa mère, vit désormais seul au fin fond de nulle part, à trois jours au sud d'Oregon City. Mais ce soir c'est la fête, c'est pourquoi il s'est rendu à la ville pour écluser quelques whiskeys avec ses anciens compagnons et regarder les filles danser. Il ne comprend pas les filles. Et il s'en moque. Pourtant, quand il aperçoit cette jeune femme habillée en homme, qui semble défier le monde et ses règles préconçues, il se sent attiré comme un aimant. Et sans qu'ils s'en rendent véritablement compte, ils se rapprochent l'un de l'autre avec toute la simplicité du monde...
Magnifique histoire, simple, si simple, comme devrait être le respect des autres, l'amour de son prochain, la tolérance. Simple et pourtant si magnifiquement écrite, qui se dévore avec une telle délectation qu'on regrette qu'elle ne fasse que si peu de pages, même s'il eut été difficile d'en faire plus. Une dernière histoire qui conclut brillamment cet excellent recueil.
The Ultimate Werewolf - édité par Byron Preiss, David Keller, Megan Miller et John Betancourt, 1991 Première parution de "South of Oregon City" |
Par un intelligent mélange d'époques et de genres, Barbara Sadoul nous invite par le biais de cette anthologie à un tour d'horizon de la lycanthropie littéraire. Elle m'a permis de découvrir quelques joyaux, dont certains émanant du légendaire pulp américain Weird Tales, de belles et touchantes histoires, qui montrent
que ce mythe de l'homme-loup n'est pas obligatoirement lié à la
barbaque sanguinolente, aux chasses sauvages et aux hurlements à la Lune. Un beau travail - mais Madame Sadoul ne nous a pas habitué à autre chose ! - que cette anthologie lupine.
Cette chronique fait partie du challenge "Lunes d'encre" proposé par le blog Les Murmures d'A.C. de Haenne V2.
Le bal des loups-garous, anthologie proposée par Barbara Sadoul
Denoël, collection Lunes d'encre n°5
Traductions : Pierre-Paul Durastanti
Illustration couverture : Jeam Tag
Octobre 1999. 288 pages. 17,80 euros
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