Griffe d'encre, 2013
France, langue française.
— H5N1, par Frédérique Lorient
Nulle
surprise, lorsque la petite fille en visite au musée pense voir un ange quand
une mésange s’y introduit par accident. C’est la première fois qu’elle voit un
oiseau voler…
H5N1 propose
une bonne introduction à cette anthologie : une idée bien menée, pour
arriver à un final qui, même s’il est un brin prévisible, est assez efficace.
Je trouve également à cette nouvelle, avec le recul qu’apporte la lecture
intégrale de l’anthologie, une certaine forme de poésie… peut-être due au bleu
de l’oiseau rebelle…
— Rouge
cerise à pois blancs, par
Véronique Pingault
AAAAAA-tcha !
À tes souhaits. Voilà le virus tant redouté, non pour sa virulence, mais pour
l’annihilation de l’inspiration qu’il provoque. Sauf que cette fois-ci, non seulement
l’inspiration est bien présente, mais semble incroyablement décuplée…
Cette nouvelle est drôle, décalée, génialement saugrenue, maitrisée à
la perfection. Véronique Pingault est une auteur que je découvre (comme la
plupart ici), et sur l’œuvre de laquelle je vais essayer de me pencher un peu
plus…
— Utopie en sursis, par Isabelle Guso
Quoi de plus
logique que d’emprunter l’escalier vide pour monter en classe, plutôt que celui
surchargé ? Ce simple geste commis par sa fille, pourtant, va chambouler
la vie d’Audrey. Car il va à l’encontre des principes, et nul n’a jamais osé,
ni même pensé, le faire : monter par l’escalier prévu pour descendre est
un signe de rébellion tout simplement inadmissible…
Cette nouvelle qui, avec ses quarante pages, occupe à elle seule un
tiers de l’anthologie, nous fait gentiment sombrer dans une douce paranoïa,
nous enfonce profond le doute sur notre existence, et fait germer (ou entretient,
c’est selon) la terrible suspicion du complot. Cela commence sur un ton plutôt
humoristique, pour se terminer sur une triste constatation, celle qui nous fait
penser qu'il est plus facile de croire ce qu’on veut bien nous faire croire (la
vie aseptisée, édulcorée, parfaitement réglée), plutôt que la sombre vérité
crue, terrible, à peine crédible, et pourtant bien réelle.
— Mise à jour, par Pénélope Chester
Autoscan.
Aucune menace détectée. Voici comment commence la journée du robot du foyer,
avant de préparer le petit déjeuner de ses maîtres. Autoscan. Aucune menace
détectée. Rien d’anormal pour ce robot plus que normal, serviable, mais qui
pourtant a peur. Autoscan. Peur des virus.
Une courte histoire, sympathique, presque une anecdote, qui se présente
comme une petite bulle d’oxygène, après l’immersion totale en apnée de la
précédente, et la chute (qu’on ne connait pas encore) provoquée par la
suivante. De l’art de maîtriser le façonnage d’une anthologie…
— Quand les clowns en treillis font
gémir la musique, par
Fabien Clavel
Le virus se
répand, le symptôme est terrible, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Il
défigure ceux qui en sont touchés, les faisant ressembler à des clowns, avec
leur nez rouge, leurs cheveux épars, leur teint blafard. Un mélange de
l’auguste, croisé au triste clown blanc, sérieux, austère, voire, finalement,
potentiellement dangereux…
Le clown est parfois bien plus qu’une métaphore. Le titre, tiré de la
chanson d’Hubert-Felix Thiefaine « 542 lunes et 7 jours environ »,
est plus qu’adapté à la gravité de l’histoire. Je suis peut-être bon public
pour ce genre de choses, mais chapeau monsieur Clavel, qui fait que le hasard
de la publication de cette anthologie, en cette période à nouveau trouble
politiquement, fait résonner votre nouvelle d’un son grave qu’il serait de bon
ton que l’on entende, et comprenne une bonne fois pour toutes !
— Intrafolie, par Raymond Iss
Un itsi
bitsi touni ini, tout petit, petit bikini… voilà la chanson typique, qui s’ancre
dans le crâne au réveil, et dont on n’arrive pas à se défaire de la journée.
Surtout quand elle est jouée en boucle par un intrafone défectueux !
Deuxième bulle d’oxygène, on en avait bien besoin après la claque
assénée par Fabien Clavel juste avant et celle - on ne le sait pas encore -
qu’on va recevoir avec l’histoire d’après. Mince, ici, Raymond Iss nous délivre
une histoire drôle (non, non, je vous assure, elle est vraiment
amusante !). Je dois avouer l’avoir lu ce matin, et avoir eu cette
rengaine de Dalida dans la tête une bonne partie de la journée. Humour
impeccable, ouf, ça fait du bien ! Merci Monsieur Iss (mais pas pour
Dalida) !
— Flocon rouge, par David Osmay
Bloquer le
vieillissement. Pouvoir vivre longtemps, peut-être éternellement, débarrassé de
tout type de virus. Un rêve. Un rêve ? Vraiment ? Même quand le Vaccin
a été injecté à une petite fille tout juste ado, bloquant ainsi sa
croissance.. ? Et si le rêve, s’était finalement de pouvoir
vieillir ?
Voilà, une nouvelle claque. Oh ! Dans l’absolue l’idée pourrait
être relativement simple. Mais ce qu’en fait David Osmay est magnifique. La
narration est parfaite, et nous accroche tellement à la fatalité de ce qui
arrive à cette fille que le dénouement – et quel dénouement ! – pourtant
si évident quand on y repense ensuite, ouvre en grand les portes de l’espoir à
toute personne qui subit le terne quotidien d’une vie de paria. J’aime. Voilà
encore un auteur que je vais essayer de connaître un peu plus.
— Contagion, Bruce Holland Rogers,
traduit par Lionel Davoust
Un
virus ? Rien moins qu’une aubaine financière pour les gros P.-D. G. qui
débattent du comment propager l’information lucrativement.
C’est court. C’est suffisant. On referme l’anthologie en comprenant,
grâce aux quatre pages de cette nouvelle, pourquoi les virus sont si terrifiants
de nos jours. Comme le monde qui nous entoure…
Voilà donc une petite anthologie de bonne qualité, dans la droite
lignée de celles proposées par griffe d’encre, sous la houlette de Magali Duez.
Il en ressort l’idée que le virus, qu’il soit d’ordre bactériologique,
psychologique, ou informatique, vient perturber en profondeur le mode de vie
des protagonistes. Ce qui semble évident. Ce qui aurait pu l’être beaucoup
moins, c’est de trouver des auteurs capables de bien cerner le sujet, d’en
aborder les divers aspects, dans des styles différents, sérieux, drôles, avec
un brin de poésie, voir de politique… C’est, encore une fois, le tour de force
de Magali, qui propose avec les huit nouvelles sélectionnées une anthologie
d’excellente facture. Une bonne analyse au final, pour des œuvres de fictions,
qui décortiquent sévèrement l’état déplorable de notre société.
Alors oui, je ne fais que des louanges des ouvrages que je chronique
(je ne vais pas non plus perdre du temps à lire et parler de trucs barbants),
mais Griffe d’encre est une maison d’édition qui ne m’a jamais déçu, depuis que
je la suis (de plus ou moins loin selon les années), c'est-à-dire quasiment
depuis sa création…
Virus, anthologie dirigée par Magali Duez.
Griffe d'encre.
20 octobre 2013 142 pages. 11,50 euros
Couverture créée par Zariel.
Virus, anthologie dirigée par Magali Duez.
Griffe d'encre.
20 octobre 2013 142 pages. 11,50 euros
Couverture créée par Zariel.
ISBN: 979-10-92349-01-6
Site des éditions griffe d'encre: http://www.griffedencre.fr/
C'est dommage, on n'entend plus trop parler de Griffe d'encre. Et Isabelle Guso a une super plume, j'adore !
RépondreSupprimerA.C.
La souscription pour le très attendu deuxième tome de la chronique des stryges par Li-Cam est sur le point d'être lancé. Les sorties ont pas mal ralenti l'année dernière, mais il semble que ça va repartir cette année. Je l'espère ! Quant à la plume d'Isabelle Guso, je suis bien d'accord avec toi !
SupprimerAlors je te conseille sa novella, "Présumé coupable", toujours chez Griffe d'encre. Pas de l'imaginaire, mais ça te remue les tripes quelque chose de mignon.
Supprimerhttp://a-c-de-haenne.eklablog.com/presume-coupable-d-isabelle-guso-a2093401
A.C.